Bazarketing, marketing à l'africaineLEMONDE.FR | 11.10.04La publicité et le marketing, armes contre la mondialisation ? Les antipubs n'y avaient pas pensé. Mais Thiago Fonseca, Mozambicain de 31 ans, directeur artistique d'une agence publicitaire à Maputo, la capitale d'un des pays les plus pauvres du monde, en est convaincu. Sa thèse : la nécessité de "penser local" dans le marketing.Créateur enthousiaste, le jeune homme a même inventé un concept original, le bazarketing, pour défendre l'idée d'un marketing propre aux économies émergentes et décrire son travail dans un pays où la publicité est encore balbutiante : "Le mot 'marketing' vient de market, qui signifie marché. Mais lorsque ce marché n'existe pas, comme ici en Afrique, qu'il est informel, qu'il ressemble plutôt à un bazar, on parle de bazarketing !"Communiquer dans la langue des quartiers populaires, simplifier les slogans, divertir en faisant référence à la culture locale : la mise en pratique du bazarketing a valu à Fonseca de nombreux prix internationaux. Parmi ses meilleures campagnes, un spot télévisé à l'occasion des premières élections libres du pays. Le film montrait un Mozambicain qui allait consulter le marabout pour connaître son avenir. Le jeune homme s'entendait alors répondre qu'il devait aller se faire recenser car son avenir était dans son vote ! "Ce film de trente secondes a eu un impact incroyable. A la suite de la première diffusion, on a vu apparaître des files de gens devant les bureaux de recensement", raconte Fonseca.Autre grand succès, primé au Brésil, un spot où un jeune Africain fait un parallèle entre une histoire que lui a racontée son grand-père sur la manière de protéger sa paillote d'une fourmi invisible qui met à mal les fondations si on ne les enduit pas d'huile bouillante, et l'utilisation du préservatif pour se protéger du sida. "Il faut d'abord créer une intimité avec le consommateur, respecter les différences entre les marchés, entre les peuples."Pour Thiago Fonseca, la publicité, lorsqu'elle est faite avec audace, peut donc être un excellent moyen de protéger les cultures africaines, précieuses mais tellement fragiles face à l'occidentalisation du monde. "Le bazarketing, c'est aussi la localisation contre la mondialisation, une manière de regarder son pays de façon positive et enthousiaste", se réjouit le publicitaire, qui fustige les campagnes internationales, mal doublées et plaquées dans les pays en voie de développement, au mépris des spécificités du marché.Toujours à contre-courant, le jeune publicitaire ose même évoquer la responsabilité sociale des publicitaires dans les pays pauvres. Si l'objectif de son métier est de vendre des produits, il n'en souligne pas moins la nécessité de faire une publicité de qualité pour aider la société à se développer. "En Afrique, la publicité est récente, elle a donc un impact considérable. Elle doit être utilisée pour communiquer avec les masses sur le sida, le choléra, le paludisme", martèle-t-il. Alors, le dernier coup de pub du marketing viendrait-il du bout du monde ? Thiago Fonseca espère surtout qu'avec le bazarketing, un autre regard sera porté sur la publicité dans les marchés émergents.Jordane BertrandSegnaliamo questo interessante articolo di Le Monde: